ENVIRONNEMENTPLANETES

20 ans suffisent pour que la forêt tropicale se régénère sans intervention humaine

La disparition des forêts tropicales n’est pas forcement définitive : lorsque les conditions sont favorables, une nouvelle forêt très semblable à celle d’origine repousse en moins de 20 ans, selon une nouvelle étude. La restauration naturelle est ainsi plus efficace et moins coûteuse que les plantations d’arbres.Chaque année, 10 millions d’hectares de forêt tropicales disparaissent de la Planète, soit la surface de trois piscines olympiques par seconde. Mais ce dont parle moins, c’est que cette forêt se régénère dans de nombreux endroits où les terrains défrichés ont été abandonnés par manque de fertilité, ou parce que les exploitants sont partis ailleurs. 28% de terres défrichées se repeuplent ainsi avec des « forêts secondaires » dans la seule zone de l’Amérique latine, selon une étude de 2016. Si celles-ci n’ont pas forcément exactement les mêmes caractéristiques que les forêts primaires qu’elles remplacent, elles contribuent de manière significative aux objectifs de conservation de la biodiversité, d’amélioration de la qualité de l’eau et de la séquestration du carbone.

En 20 ans, les forêts retrouvent 80 % de leurs caractéristiques

La bonne nouvelle, c’est que cette régénération est bien plus rapide et facile qu’attendu, selon une nouvelle étude coordonnée par l’Université de Wageningen (Pays-Bas) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad, France) et parue dans la revue Science. Les chercheurs ont modélisé les trajectoires de restauration de plus de 2.200 parcelles de forêts secondaires à travers l’Afrique et l’Amérique du Sud, et constaté que 20 ans après l’abandon des pratiques agricoles, les forêts repoussant naturellement retrouvent près de 80 % de la fertilité de leurs sols, de leur structure et fonctionnement, et de leur diversité par rapport aux forêts anciennes.

« Une rapidité surprenante, étant donné la complexité des écosystèmes forestiers tropicaux », s’étonne Géraldine Derroire, écologue des forêts tropicales au Cirad. Certains attributs forestiers récupèrent toutefois plus vite que d’autres. « Par exemple, la fertilité des sols se rétablit généralement à 90 % en moins d’une décennie. Par comparaison, il faut attendre de deux à six décennies pour retrouver 90 % de la diversité des espèces que l’on pourrait trouver dans des forêts anciennes », poursuit la chercheuse.

Des conditions de croissance favorables à une renaissance

Selon les auteurs, ce rétablissement rapide des forêts s’explique notamment par les banques de graines toujours présentes dans les sols non soumis à une agriculture intensive, ainsi que par les conditions de croissance relativement productives, car chaudes et humides, des tropiques. Mais il n’est pas partout aussi aisé, mettent-ils en garde. Le manque de graines, l’envahissement des terrains par des espèces indigènes ou une détérioration des sols peuvent par exemple empêcher la reprise de forêts secondaires.

La restauration naturelle, plus efficace que les plantations d’arbres

Compte tenu de ce rétablissement rapide, les scientifiques encouragent les pratiques de restauration naturelle qui ne nécessitent pas d’investissements lourds et offrent de multiples co-bénéfices. Inutile donc de se lancer dans des massives campagnes de reboisement, souvent vouées à l’échec car menées avec une trop faible diversité d’espèces ou mal adaptées aux conditions locales. La régénération de forêts secondaires est aussi une bonne nouvelle pour le réchauffement dans la mesure où les forêts jeunes stockent plus de carbone que les forêts anciennes. Ce n’est toutefois pas une excuse pour continuer à couper allègrement les forêts tropicales. Car une bonne partie d’entre elles seront perdues à jamais, recouvertes de bitume ou abîmées par les pesticides.

Céline Deluzarche