POLITIQUESF RDC

Un haut responsable congolais démissionne à la suite des révélations du «Temps»

Vidiye Thsimanga a annoncé sa démission du cabinet présidentiel congolais. Sans remettre en question les propos révélés par «Le Temps», le conseiller du président Félix Tshisekedi a renoncé à son poste par «obligation éthique»

Une enquête du Temps publiée le 15 septembre en partenariat avec le consortium d’investigation OCCRP a provoqué une tempête à Kinshasa. Elle décrivait comment Vidiye Tshimanga, conseiller stratégique du président de la République démocratique du Congo (RDC), proposait ses services – rémunérés – à de pseudos investisseurs dans les mines du pays. Le scandale provoqué par les vidéos filmées en caméra cachées l’a contraint à la démission le 16 septembre avec effet immédiat..

Dans sa lettre de démission, le désormais ex-conseiller du président Félix Tshisekedi évoque «l’obligation éthique» qui le contraint à renoncer à sa position. Il explique que la «blessure est malheureusement trop ouverte à ce stade». Et ajoute vouloir faire un pas en arrière pour prendre le temps de «faire lumière sur les commanditaires de ce montage grossier, dont nous détenons un enregistrement qui contredit le sens qu’ils ont voulu donner à mes propos sortis de leur contexte.»

https://www.youtube.com/embed/P29FK07u1H0?rel=0&enablejsapi=1 Cet enregistrement, Le Temps a eu l’occasion d’en écouter des extraits lors d’un rendez-vous à Paris en août avec Vidiye Tshimanga. Relancé à plusieurs reprises, le conseiller congolais avait refusé d’en partager l’intégralité. Après la publication de l’article et des vidéos qui l’incriminent, Vidiye Tshimanga a finalement envoyé à plusieurs médias, dont le nôtre, quatre extraits d’une durée totale de 7 minutes.

Datés du second et dernier rendez-vous à Londres avec les pseudos investisseurs, comme l’affirme aussi Jeune Afrique, ces extraits font entendre son refus de s’associer avec ses interlocuteurs après avoir finalement compris que les questions orientées et insistantes de ses deux interlocuteurs étaient un piège grossier. Mais ils n’invalident pas ses déclarations précédentes. Notamment celles sur ses montages offshores, un supposé accord avec la compagnie minière canadienne Ivanhoe ou le fait qu’il agirait au nom du président congolais.

Pays miné par la corruption

Qu’un conseiller du président se laisse inviter dans un hôtel et des restaurants luxueux à Londres par des faux investisseurs a déclenché un raz de marée dans l’opinion publique du Congo. Pour beaucoup, c’est une nouvelle démonstration du fossé entre l’élite politique de la RDC et la population, une des populations les plus pauvres du monde. Cette affaire intervient dans le contexte du scandale des salaires supposés des députés. Alors que le revenu mensuel moyen des fonctionnaires est de 50 dollars, les élus seraient payés plus de 20 000 dollars par mois, selon l’opposition.

Embarrassé lui aussi par ces révélations, le cabinet du président a également publié un communiqué où il rappelle que «la lutte contre la corruption est l’un des piliers de l’action du Président de la République». Avant d’ajouter que l’exemplarité sera la norme. «Toute personne, y compris au sein du cabinet du Président de la République dont le comportement avéré aura enfreint la loi, la déontologie de sa fonction, (…), subira la rigueur de leurs effets».

Des tensions au sein du cabinet présidentiel

Blessé, le conseiller Tshimanga assure dans sa lettre de démission le président Tshisekedi qu’il n’a «cessé de défendre [sa] vision quand à la lutte contre la corruption». Le média spécialisé Afrique Intelligence, souvent bien informé, affirme pour sa part que le piège tendu par de faux investisseurs de Hong Kong trouverait son origine dans les tensions au sein du cabinet présidentiel entre Vidiye Tshimanga et d’autres personnages qui rivalisent d’influence. Le conseiller démissionnaire, lui, soupçonnait des hommes d’affaires chinois ou israéliens, voire un oligarque local. «J’ai tellement d’ennemis», nous a-t-il déclaré. Au vu de ses déclarations dans les trois vidéos dont Le Temps a publié des extraits, son pire ennemi semble être lui-même.

© Temps