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PORTRAIT

Ousmane Sonko, un farouche opposant qui rêve de succéder à Macky Sall

Ousmane Sonko, opposant numéro un au président sénégalais Macky Sall, a été condamné, jeudi, à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse ». Une peine qui, si elle est confirmée en appel, pourrait rendre cet ancien inspecteur des impôts candidat à la présidence du Sénégal en 2024 inéligible.

Il est l’un des principaux visages de l’opposition. La voix de celles et ceux qui aspirent à un renouveau à la tête du Sénégal, dirigé depuis 2012 par Macky Sall. À 48 ans Ousmane Sonko, qui assume autant le costume-cravate que les baskets et la casquette, apparaît pour les uns comme le héraut de la lutte pour le peuple et contre les élites corrompues, comme un agitateur incendiaire pour les autres.  

Sa condamnation, jeudi 1er juin, à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » a ainsi entraîné – comme à chaque épisode de cette saga judiciaire qui dure depuis 2021 – une vague de protestation a travers le pays – , faisant neuf morts. Troisième de la présidentielle de 2019 et adversaire le plus farouche du président Macky Sall, il était accusé de viols et menaces de mort contre une employée d’un salon de beauté où il allait se faire masser entre 2020 et 2021. 

Mais l’enjeu semblait autant pénal que politique – selon le code électoral, sa condamnation le rend inéligible pour la prochaine élection présidentielle prévue en 2024, pour laquelle il s’était d’ores et déjà déclaré candidat. Il peut désormais être arrêté « à tout moment », a dit à des journalistes le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall.

De fonctionnaire du fisc à figure de premier plan 

Pourtant, il y a quelques années, il était inconnu de la scène politique sénégalaise. Ousmane Sonko est né en 1975 à Thiès, à 70 kilomètres à l’est de Dakar. Fils de parents fonctionnaires, il grandit en Casamance et part faire ses études supérieures à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, où il obtient sa maîtrise en droit public en 1999. Deux ans plus tard, il sort major de sa promotion à l’École nationale d’administration (ENA) du Sénégal et débute sa carrière comme inspecteur des impôts. 

Après trois années passées dans l’administration, il crée le Syndicat autonome des agents des impôts et domaines (SAID). En 2014, il se lance en politique avec la création de son propre parti, le Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité).  

En 2016, il est propulsé sur le devant de la scène lorsqu’il accuse l’État de fraudes fiscales et de corruption en s’appuyant sur son expérience en tant qu’inspecteur. Le fonctionnaire dénonce notamment des détournements de fonds publics ou des avantages fiscaux perçus de manière indue par des personnalités du pouvoir. Il publie « Pétrole et gaz au Sénégal – Chronique d’une spoliation » (éd. Fauves) dans lequel il dénonce la gestion des ressources naturelles du pays par le président et son entourage.

Il est alors radié de la fonction publique pour « manquement au devoir de réserve « par un décret présidentiel. « C’est véritablement à cette époque qu’il devient une figure de première plan », relate Babacar Ndiaye, directeur des recherches et des publications du think tank Wathi, basé à Dakar. 

Modèle d’une jeunesse en quête de changement 

Élu député en 2017, il se montre à l’aise sur les plateaux de télévision et souriant lors de rencontres avec les militants. Ousmane Sonko sait utiliser des phrases chocs, et s’oppose au récit officiel d’un Sénégal « sur la voie de l’émergence », promesse du président Macky Sall. 

En 2019, il se lance dans la course à l’élection présidentielle. Son discours séduit la jeunesse. « Il s’adresse aux jeunes avec des propos en faveur de la souveraineté économique, du patriotisme, tout en critiquant la gouvernance de l’État », poursuit Babacar Ndiaye. « Il est arrivé avec un discours de changement et cela a rencontré une forme d’adhésion des jeunes. » Et surtout, il n’est pas un « politicien ». Mais ses détracteurs lui reprochent son manque d’expérience et ses discours fracassants.